Preligens @Talent Award 2023
Parce que toute belle histoire de scale commence par celle d'une équipe, les Talent Awards mettent chaque année en lumière des équipes de scale-up qui font rayonner notre écosystème en France et au-delà. Retour sur l'histoire de Preligens, lauréat 2023 du Talent Award "Excellence", salué par le jury pour les avancées scientifiques exceptionnelles de ses équipes en terme d’IA appliquée, qui repoussent les limites du possible, en menant une recherche et un développement de pointe.
On espère que vous ne tomberez pas des nues, mais non : l’Intelligence Artificielle ne se cantonne pas uniquement à l’IA générative et ChatGPT. Depuis déjà plusieurs années, Preligens est une figure de proue de l’IA à la française et vous ne le savez peut-être même pas. Alors réchauffez votre thé, prenez vos lunettes de lecture et plongez dans ce (trop) court entretien avec Renaud Allioux, Chief Innovation Officier et co-fondateur de Preligens pour tout savoir sur cette startup.
La computer vision au service des renseignements
Renaud Allioux et son associé Arnaud Guérin rêvaient de mettre en orbite leurs propres capteurs de données satellites. Mais après une rapide analyse du marché et de ses enjeux, exit la mise en orbite. Ils décident plutôt de se concentrer sur une faille de marché : la gestion et l’analyse des données récoltées par satellites. Un marché qui représente de très (trop) gros volumes pour être traitées rapidement par des humains, notamment pour le secteur de la défense et du renseignement. En effet, un analyste a besoin en moyenne de 14h pour traiter intégralement une seule image satellite de 20km par 20km. Un temps d’analyse très long, qui ne permet pas de faire face aux milliers de données reçues chaque jour et de les exploiter efficacement.
C’est ainsi que les deux associés ont fondé Preligens en 2016 : une solution BtoGov de computer vision spécialisée dans le prétraitement de données (son, image et vidéo) pour la défense et le renseignement.
Concrètement, l’IA apporte une aide à la prise de décision pour les militaires. Ces solutions permettent en effet de traîter les images satellites, détecter des objets d’intérêt type aéronefs ou navires, préparer et suivre des opérations et surveiller des flux dans des ports, des bases aériennes ou sur tout autre site stratégique. Une expertise cruciale pour la souveraineté et la sécurité de la France, de l’OTAN et de ses alliés.
“C’est une véritable aide pour traiter ce tsunami de données beaucoup trop vaste pour l’humain, et apporter une précision qui peut s’avérer décisive pour les personnes sur le terrain” précise Renaud Allioux. “Pour passer au crible toutes les informations reçues par le secteur de la défense, il aurait fallu de 3 à 5 millions d’analystes !”
D’ailleurs, c’est après avoir remporté en 2016 un kick-off organisé par la direction du renseignement militaire pour développer un algorithme de détection de véhicules sur image satellite optique, que la success story de la start-up démarre réellement. Une trajectoire qui ne s’est pas démentie jusqu’ici, avec notamment en 2022 la signature d’un contrat cadre de 7 ans avec la Direction Générale de l’Armement (rattachée au Ministère des Armées). Une aubaine pour appréhender l’avenir de l’entreprise plus sereinement.
4 conseils pour une R&D de pointe
Pour concevoir une solution suffisamment robuste pour une utilisation à grande échelle, sur des sujets hautement sensibles et où une erreur peut s’avérer dramatique, les équipes de Preligens ont imaginé et mis en place tout un processus de création industrialisé pour garantir sécurité, éthique et fiabilité avec des scores de précision au minimum à 97%.
- Une innovation continue. Pour toujours garder un temps d’avance et garantir des technologies de pointe à ses clients, l’entreprise compte 250 personnes au total, dont plus de 140 au sein des équipes tech, et assure des nouvelles versions (”release”) de leur logiciel toutes les 6 semaines. Entre chaque version, ils réalisent plus de 2000 expérimentations pour affiner les algorithmes, obtenir les meilleurs combinaisons et résultats possibles et ne garder que les améliorations les plus significatives.
- L’offline, règle d’or pour la sécurité. Les logiciels d’IA de Preligens peuvent être installés on-premise ; c’est-à-dire sous licence, installé directement dans l’environnement informatique de l’entreprise. Contrairement aux logiciels dits SaaS, les solutions créées par Preligens ne sont pas connectées à Internet et installées sur le Cloud pour assurer une sécurité maximale. D’ailleurs, une fois l’installation faite chez le client sur son architecture informatique propre, la start-up n’a plus aucun moyen d’accéder au programme, et ne récolte ni logs d’utilisation, ni historique des images souveraines sur lesquelles tournent les algorithmes. Il faudra attendre les retours utilisateurs pour créer une nouvelle version du logiciel incluant les mises à jour.
- Une transparence du process de création de l’IA. Lors des étapes de création d’une nouvelle release, chaque donnée du dataset est documentée et enregistrée dans une boîte blanche conformément à la charte éthique mise en place par Preligens. Utile plus tard pour retracer et expliquer les résultats de l’algorithme.
- L’appui d’experts métiers, au fait des cas d’usage finaux. Preligens a fait le choix de s’entourer dès le début d’experts métiers, comprenant les enjeux de nos clients. Une formation des annotateurs de données est notamment délivrée par des anciens des corps armés, pour maîtriser les cas d’usage finaux et être certain d’entraîner les algorithmes avec les bonnes clés de compréhension. Parfois, il s’agit de différencier un avion militaire d’un avion civil entre deux pixels gris. Et ils y arrivent !
Toujours de grands obstacles à la souveraineté Européenne
Même si les cas d’usage de l’IA ont tous leur lot de spécificité, on note tout de même des grands obstacles pour que l’Europe apparaisse comme tête de proue de l’innovation en matière d’intelligence artificielle :
- Trouver des financements en phase d’amorçage : prouver la pertinence de son idée quand le produit n’est pas terminé peut s’avérer être un exercice périlleux. Mais avec de la vision et de la résilience, rien n’est impossible. Dans le cas de Preligens, l’entreprise a réussi à obtenir un fonds d’amorçage de 3 millions en 2017, puis à lever 20 millions d’euros en 2020 auprès de trois fonds français, dont 10 millions auprès de Definvest, créé par le ministère des Armées.(1)
- Réussir à recruter dans un milieu extrêmement compétitif. Chez Preligens, le poids du corps s’est porté sur des profils experts et passionnés par des projets tech qui ont du sens. D’ailleurs, une grosse partie des effectifs sont réservistes et ont à cœur de participer à l’effort national, à leur échelle.
- Embarquer les utilisateurs à utiliser la solution, sans crainte pour la pérennité de son emploi. En l’occurrence, le programme développé par Preligens analyse toutes les données brutes pour extraire et partager uniquement les données les plus pertinentes. L’outil est une aide à la décision. C’est toujours à l’analyste d’en tirer les bonnes conclusions, il reste ainsi à une position stratégique.
- Innover en parallèle que les législations sont rédigées et votées. C’est une véritable crainte de devoir subir des régulations qui mettraient en péril l’entreprise. Heureusement, le métier de chargé.e d’affaires publiques existe pour s’assurer d’avoir une voix dans ces discussions. N’hésitez pas à écrire à l’équipe Affaires Publiques de France Digitale qui œuvre pour représenter et porter les intérêts de nos adhérents si vous avez des sujets. Que ce soit pour l’AI Act, comme pour d’autres sujets de régulation en France et en Europe.